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Frédéric Ciriez / Mélo / Éditions Verticales

Vendredi 11 janvier à partir de 18h30, rencontre avec Frédéric Ciriez pour son nouveau roman Mélo publié aux éditions Verticales.

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Pour écouter la rencontre c’est ici !

Vous vous souvenez sans doute de son premier roman publié à la rentrée 2008, Des néons sous la mer, Frédéric Ciriez nous baladait alors en Bretagne. La prostitution devenue légale avait transformé un sous-marin maudit, le Fascinant, honte de la Marine Nationale pendant des décennies, amarré à l’abandon en baie de Paimpol en un bordel civil, légal et florissant : l’Olaimp.

Cette fois, point de Bretagne et de sous-marin aux mœurs légères. Nous sommes veille du 1er mai 2013, deux hommes et une femme circulent dans les rues de Paris et de sa proche banlieue : un syndicaliste au bord du suicide, un sapeur congolais chauffeur de camion-poubelle et une jeune Chinoise vendeuse de briquets. Trois personnages qui se croisent à peine et vont bientôt glisser dans la nuit.
Quel feu les consume ? Mélo.

Avec sa langue incarnée, généreuse et imagée, Frédéric Ciriez s’impose ici comme un témoin de l’infra-ordinaire, des invisibles qui hantent notre réalité.

Extrait :
La Xantia blanche repose devant la fourrière de Saint-Ouen (93400), au crépuscule. Un ticket de caisse sur le siège passager déclare 14€90 et 20h34, l’horaire d’achat du couteau de cuisine planté dans le cœur du conducteur. Sa tête ploie vers les genoux et constitue l’image fœtale d’un homme jeune aux cheveux châtains crantés, en boucle sur lui-même, qui semble téter le manche du couteau. Le couteau : il gît dans le cœur et rien ne sera jamais aussi dur en lui et rien d’ailleurs n’a jamais eu autant de consistance que cette lame d’acier enfouie dans les soies cardiaques. Des lèvres de chair sont crispées sur l’arme de gala, ruisselantes et passives. (Au loin, la ville est nerveuse – c’est samedi soir sur les trottoirs, le printemps gicle.) Pour l’heure, le mort attend qu’on vienne le prendre dans la rue déserte couleur de terre cuite, comme un enfant à la sortie de l’école qui aurait renoncé à pleurer sa mère. Au-dessus de lui, le ciel inhale la fumée blanche qui s’échappe verticalement de l’incinérateur du Syctom (Syndicat Intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères), dont l’entrée est située plus bas dans la rue, au numéro 22.

Les barbelés frisottent au sommet du mur de parpaings sommairement cimentés qui longent la fourrière. Derrière, c’est Paris. Au-delà du magasin Conforama Saint-Ouen, le pays où la vie est moins chère, s’aperçoivent à l’horizon les mamelons illuminés du Sacré-Cœur, sur la face nord de la colline de Montmartre. Devant, marquant la fin de la zone industrielle, c’est un bras de la Seine, qui ce soir charrie la rouille du ciel, également réfléchie par le verre-miroir des immeubles de bureau, sur l’autre rive. La Xantia est garée entre un fourgon abandonné et une berline Skoda 800 € à débattre. De l’autre côté de la rue, derrière le mur d’enceinte, sont enfermés quelque trois cents véhicules illégaux. Six caméras de surveillance veillent sur eux et enregistrent seconde après seconde leur non-existence, tandis que les rétroviseurs des voitures prisonnières réfléchissent des fragments de natures mortes automobiles – calandre figée dans le miroir d’un pare-soleil, plaque d’immatriculation objectivée dans le néant d’une glace, phare éteint et comme allumé par la lumière crépusculaire. Une fine pellicule de poussière embaume cette communauté inerte. Dans l’enceinte protégée, on ne trouve à cette heure aucun enfant d’Europe de l’Est en train de désosser une Mercedes de cadre supérieur ou de sniffer des solvants. Seulement les dernières vagues de chaleur de la journée qui font onduler les chromes et les silhouettes des habitacles en état d’arrestation.

Une réflexion au sujet de « Frédéric Ciriez / Mélo / Éditions Verticales »

  1. Le lien vers l’enregistrement sonore ne fonctionne plus ! Y aurait-il un autre moyen de l’écouter ? Merci d’avance !

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