Mercredi 27 février à 18h30
Mardi Gras met en scène, outre des émules enthousiastes du Docteur Moreau, qui taillent dans la chair vivante et la remodèlent au scalpel, un héros masqué qui lâche fous et estropiés en plein carnaval, semant la consternation. La fête tourne au cauchemar et la foule, venue là pour rigoler, tente de le lyncher.
Qu’il prenne à de jeunes esthètes vêtus de noir la fantaisie de mettre en pratique le slogan d’André Breton en tirant au hasard dans la foule, et la société, effrayée, proteste. La violence en art doit rester formelle, limitée à la provocation et au scandale.
Il arrive que cette violence ritualisée touche jusqu’au corps, dernier refuge du sacré, ultime objet du scandale, qui se transforme alors en matériau comme les autres. Et Benoît Preteseille d’enrichir son musée imaginaire de pratiques artistiques naguère controversées : musique bruitiste, performance, tatouage et art corporel.
Comme dans L’Art et le Sang ou Maudit Victor, l’auteur dissimule derrière les codes du roman-feuilleton et le bric-à-brac de la Belle Epoque une réflexion cruelle sur l’Art et ses conventions. Beau ou laid ne sont que des mots. Démiurge à la Frankenstein, l’artiste va contre l’ordre, le dogme social ou religieux. Il ferraille du côté de la vie, de l’éphémère et du chaos.
Alors peu importe le jugement que le public porte sur les monstres qu’il crée. A ses yeux, ils sont beaux parce que vivants.
Benoît Preteseille : personne ne sait qui est Benoît Preteseille. Ceux qui prétendent l’avoir rencontré sont des affabulateurs, tout comme ceux, plus suspects, qui font mine de savoir qui se cache derrière cette identité de carton-pâte.
Certains racontent qu’il aurait fait son apprentissage sur les bancs d’une école d’art, passant son temps à observer les squelettes du cours d’anatomie. D’autres disent qu’il aurait forgé son goût pour le grotesque en réalisant des décors de théâtre et de cirque. Nombreux sont ceux qui croient l’avoir débusqué derrière le masque de Benoît Tranchand, performeur et chanteur au sein du groupe Savon Tranchand. Tout aussi nombreux sont ceux qui affirment l’avoir croisé se promenant en compagnie de Francis Picabia, d’Arsène Lupin, de Fantômas ou d’André Franquin. On en trouve encore pour affirmer qu’il serait le fondateur, avec Wandrille Leroy, des éditions Warum, et qu’il travaillerait avec sa structure ION à diffuser en contrebande des brochures remplies de dessins séditieux.
Autant de fariboles créées par l’auteur pour détourner l’attention de l’objectif secret auquel il travaille depuis de longues années : percer les secrets de la bande dessinée, les assimiler et les tordre à sa guise pour édifier en toute indépendance une œuvre qui ne ressemblera qu’à lui. Seul fait vérifiable à ce jour au sein de tant d’incertitudes, le projet de Benoît Preteseille est en passe d’aboutir et de lui donner, livre après livre, un visage qu’aucun lecteur ne pourra plus ignorer.