Jusqu’au 20 juin se tient au Monte-en-l’air une exposition des dessins de Chloé Poizat, à l’occasion de la sortie de son livre Bal de tête aux éditions Cornélius.
Ce diaporama nécessite JavaScript.
Chloé Poizat nous guide dans une création subtilement inquiétante. Les enfants poussent sur les arbres où ils seront pendus, ou sortent en fumée des cheminées. Corps décapités, têtes coupées, troncs mutilés, témoignent de quelque catastrophe inouïe, comme effacée de notre mémoire.
Enveloppés par une horreur muette, nous nous aventurons dans le monde des cauchemars, à la rencontre de fantômes ambigus. Chien à tête de chou ou homme à tête d’escargot, fillette en feu, ces apparitions, flottent à la frontière du rêve et de la réalité, du conscient et de l’inconscient, condamnées à une errance éternelle.
Bal de têtes tient de la parade de monstres de foire et du cabinet de curiosités. L’album est hanté par des créatures mi-bestiales, mi-humaines, issues de croisements improbables et de métamorphoses ratées. Travaillant à partir de cartes postales, de photos, d’images imprimées, Chloé Poizat récupère des icônes familières, qu’elle détourne, bricole, mélange, et assemble, jusqu’à ce que l’impression de déjà-vu vire au doute et au malaise. Le noir et blanc de gravure ancienne, subverti par des taches de couleurs crues, brouille encore les repères.
Chloé Poizat donne forme aux peurs ancestrales, aux monstres nocturnes, que nous aurions voulu oublier. On s’attend à croiser, au hasard de son univers absurde, Odilon Redon, Gourmelin, ou Topor. Et l’ombre de Lautréamont n’est pas loin.
Biographie
Clodoaldienne de naissance, Chloé Poizat obtient un diplôme de l’École des Beaux-Arts d’Orléans, avant d’installer sa fabrique de monstres à Paris. Là, elle dessine pour la presse, de Libération au New York Times, du Monde à XXI, réalise des couvertures de romans et des affiches de théâtre, et illustre de nombreux livres, tant pour enfants que pour adultes. Ses dessins accompagnent ainsi les poètes René Char et Rainer-Maria Rilke. Exposée en France et à l’étranger, elle signe aussi des installations énigmatiques tels ces 146 badges, représentant 146 visages monstrueux.
Mélangeant gravure, peinture et dessin, usant du collage et du photomontage, son univers graphique désoriente les éditeurs classiques. Elle publie donc elle -même des nano-books, aux titres volontiers mystérieux : Culinaire, Disparition, Neuf Souvenirs d’enfance. Cette forme expérimentale et libre, loin de la boursouflure du livre d’artiste, lui permet de donner encore plus d’espace à son travail.
Ironique et inquiétante, son œuvre défie les catégories. Et pour cette jeune femme tranquille, l’art est aussi cruel que la cuisine : « Hachez finement le ciboulot et mélangez délicatement à la purée de poils et de plumes ; égouttez le confit d’yeux, recouvrez-le du précédent appareil ; faites bouillir et réduire la bile avec une pointe d’amertume, ou à défaut de Malinconia, jusqu’à l’obtention d’une crème onctueuse ».