Vendredi 16 juin 2023 à 18:30

Né en 1987 à Paris, Yann Kebbi grandit dans le XIXe arrondissement avant de s’installer à Montreuil. Dès la seconde, il intègre l’école Estienne en arts appliqués où il obtient en 2008 son diplôme des métiers d’art, option illustration. Il dessine comme il respire, abat sans relâche des dessins d’observation, directs, rapides, pour ne saisir que l’essentiel. Dans cette pratique assidue, il puise l’alphabet de son écriture, dicté par la vitesse d’exécution — traits nerveux, lignes tronquées, jeux de transparence, superposition de cadres et de plans — et par son goût pour les «outils secs», en particulier le crayon. En 2008, il est admis à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, où il intègre la section Image imprimée. De ces années, il retient pêle-mêle la lumière de Pierre Bonnard, le minimalisme de Saul Steinberg, les compositions des expressionnistes allemands, la photographie de Saul Leiter, les dessins de Lucian Freud…
Il découvre New York en 2011, lors d’un échange universitaire à la Parsons School of Design au cours de sa dernière année d’études. Il a 24 ans et l’Amérique s’offre à lui, «source intacte d’inspiration et de confrontation». Repéré par The New York Times et The New Yorker, il étend bientôt ses collaborations aux États-Unis — The Wall Street Journal, Chicago Tribune, The Boston Globe — et en Europe — Le Monde, M le magazine du Monde, Libération, Télérama, The Guardian et Süddeutsche Zeitung Magazin.
Dans le même temps s’édifie son œuvre, personnelle et plurielle. Il devient l’auteur et/ou l’illustrateur de plusieurs livres, dont l’album Americanin, un chien à New York (Michel Lagarde, Paris, 2012), l’ouvrage Howdy, dessins d’Amérique, avec Idir Davaine (Michel Lagarde, Paris, 2015) ou encore La Structure est pourrie, camarade (Actes Sud BD, Arles, 2017) — ici, c’est la capitale arménienne et sa révolution architecturale qui sont passées au crible des mots de Viken Berberian et du dessin de Kebbi. Jamais rassasié, l’artiste explore toutes les techniques: eau-forte, collage, peinture, lithographie, monotype (Monotypes, 3 Fois par Jour, Strasbourg, 2016), gravure (première mention au prix Lacourière, 2021). « Tous ces médiums se répondent et s’enrichissent les uns les autres. Mon objectif est le même : créer une image.»
Sollicité par le cinéaste américain Mike Mills, Yann Kebbi réalise en trois semaines plus de 300 dessins du tournage du film Nos âmes d’enfants avec Joaquin Phoenix. Tous sont réunis dans le livre C’mon C’mon: Drawings from the Set (A24, New York, 2022) et exposés à la Galerie Martel à Paris la même année. En 2022, alors qu’il est invité par la Fondation Cartier à participer à l’exposition Mondo Reale dans le cadre de la 23e Triennale de Milan, Yann Kebbi accomplit un dessin monumental qui brouille la frontière entre le réel et l’imaginaire. Dès 2019, l’artiste avait entamé la réflexion de ce projet ambitieux en imaginant son propre musée dans Fondation Kebbi, publié par Actes Sud dans leur collection «Lontano», livre consacré à son œuvre protéiforme. Une mise en abîme où chacun est susceptible de s’identifier, dans laquelle règnent humour et autodérision.